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Ukraïna !


 

L’Ukraine semblait loin de nous – comme l’Irak, l’Arménie, le Liban, la Géorgie, le Kurdistan, le Tibet, le Timor Oriental… Elle paraît même figée dans un roman russe, quelque part entre l’infini d’une steppe imaginaire et l’ancienne Bessarabie, dont les escaliers d’Odessa rappellent un vieux film de l’époque impériale. L’Ukraine était loin – autant dire nulle part, comme autrefois la Pologne, selon le père Ubu ; et pourtant, trois heures d’avion suffisent pour gagner un pays dont bien des Européens pensaient qu’il n’était qu’une république fantoche de l’ex-Union soviétique, comme l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, la Biélorussie, la Tchétchénie – ou quelque chose comme l’entité de Bosnie-Herzégovine. Nul ne se rappelait qu’en 2014, les événements de la place Maïdan, à Kyiv (et non Kiev, comme on s’obstine à l’écrire, à la russe, en France, où on ignore aussi que la langue ukrainienne existe), étaient l’expression d’une volonté populaire d’en finir avec un régime dont la politique était dictée par Moscou – l’élection d’un histrion télévisuel, Volodymir Zelenski, à la présidence ukrainienne semblant confirmer l’échec de ce pays à être lui-même, et nécessitant donc l’intervention du Kremlin, afin de ne pas le laisser tomber dans les bras de l’Otan ou de l’Union européenne, laquelle ne veut d’ailleurs pas de 44 millions d’habitants plutôt pauvres et candidats à une émigration qui vaut pourtant bien mieux que les hordes extra-européennes qui dénaturent les nations de l’Union. L’invasion de l’Ukraine par Poutine rapproche l’Ukraine de nous dans le vertige de la guerre, chose à peu près étrangère à des Européens pour qui les confinements dus au Covid ont semblé un fléau aussi grand que la grande famine organisée par Staline en Ukraine, justement, en 1932-33. Cette guerre prend aussi au piège ceux qui, en Europe, font de Poutine le Tamerlan de la lutte contre la dégénérescence de l’Occident. Que l’Occident soit en pleine décadence spirituelle et intellectuelle, nous le savons depuis longtemp Bloy, Péguy et Bernanos, ce qu’ont redit, dans un autre langage, Debord et Baudrillard. Quant à moi, qui ai toujours été révulsé par l’idéologie LGBT et l’antiracisme d’Etat, je tiens la Commission européenne pour aussi nuisible que le Pentagone et le Kremlin. Biden vaut mieux que Trump ? Pas si sûr. Mais comment faire confiance à un ex-KGBiste inculte, environné de chamanes sibériens, d’oligarques corrompus, lui-même devenu une espèce d’oligarque, avec d’anciens hauts dirigeants européens à sa botte ? Est-ce bien là le sauveur qui nous débarrassera de la peste woke ? N’avons-nous, nous autres, catholiques, que ce César bouffi de cortisone néo-soviétique pour espérer en finir avec ce que le Démon distille quotidiennement en Occident, dans la propagande gauchiste du New York Times et de ses relais Le Monde et Libération ? Mais les catholiques sont devenus tièdes, pour la plupart, comme ils l’étaient en 2014, où ils n’ont montré nul intérêt pour le sort de nos coreligionnaires orientaux martyrisés par l’Etat islamique, ni pour le sort des Arméniens du Haut-Karabagh, il y moins de deux ans. Les mêmes, ou leurs pères, étaient également indifférents au sort des chrétiens libanais, pendant la guerre civile de 1975-90, où les Palestiniens et leurs alliés musulmans étaient soutenus par les mentors de Poutine… Et si certains se convertissent à l’orthodoxie, c’est là, encore une démarche idéologique, et une simonie, Poutine, lui, n’étant pas plus croyant qu’un éleveur de yacks yacoute ou un croupier de Macao. Il est singulier de voir ces convertis sourds à la haine historique que les Baltes, comme les Ukrainiens, nourrissent pour les Russes ; et il est pathétique que des Français trouvent leur messie dans un homme qui est en train de chasser l’armée française d’Afrique, qui réhabilite un des plus grands criminels de l’Histoire, Staline, et qui rabote les territoires de l’Arménie, de la Géorgie, de la Moldavie, et déjà de l’Ukraine, avec la prise de la Crimée, en 2014, et qui, pour finir, envahit un pays dont la superficie est plus grande que celle de la France. Non que j’oublie ce qui se trame ailleurs, l’irrédentisme chinois sur Taïwan, et la criminelle invasion de l’Irak par les Etats-Unis, en 2003, au nom d’une démocratie yankee dont nul ne voulait dans cette partie du monde, Poutine songeant aujourd’hui que l’invasion de l’Ukraine ne fera pas plus bouger les USA qu’il n’avait, lui, bougé, en 2003, pour l’Irak : un prêté pour un rendu ? Sans doute. C’était le cas pour les pseudo-états de Transnistrie et d’Abkhazie, et d’une autre façon, pour le Haut-Karabagh repris par les islamistes azéris, avec l’aide poutino-turque : autant de réponses à la fondation de l’Etat islamo-mafieux du Kosovo par les USA soucieux de faire proliférer ces métastases dans une Union européenne qu’ils cherchent toujours à affaiblir, ces Européens-là étant aujourd’hui toujours divisés, et les dindons d’une farce historique. Non, Poutine n’est pas le nom de ce courage dont Soljenitsyne, en son temps, déplorait à juste titre qu’il fît défaut à l’Occident ; il en est même tout le contraire ; et l’Ukraine, comme la Géorgie et l’Arménie, ne pourra hélas pas grand-chose contre l’armée russe et ses relais, et, pour les vaincus, l’immense archipel de bagnes qui s’ouvre encore au-delà de l’Oural.



Richard Millet

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